Dans le cadre du Festival Migrant’scène organisé par la CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués : association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile), l’auteur maltais Antoine Cassar était au Centre Culturel le Safran, samedi 12 novembre 2011. Il a proposé une lecture de son poème Passeport en compagnie du poète amiénois Jean Foucault qui soutient les Sans-Papiers et milite pour la libre circulation des personnes.
Le public réuni dans la bibliothèque Hélène Bernheim a donc pu écouter une lecture bilingue des deux auteurs : Antoine Cassar lisant le poème dans la langue maltaise, en alternance avec Jean Foucault qui en donnait l’adaptation française d’Elizabeth Grech.

La lecture d’un poème dans une langue étrangère inconnue est un voyage. Elle oblige à se laisser porter par les mots et leurs sonorités, avant de se soucier du sens. On cherche l’intention de l’auteur-lecteur dans ses intonations. On devine sans savoir encore. Quand la traduction française vient au secours de notre compréhension, elle apporte un éclairage nouveau sans pourtant annuler le sentiment initial.
Comme l’archipel lui-même, la langue maltaise est au carrefour de plusieurs cultures. Elle a pour origine un arabe sicilien (siculo-arabe), qui a subi les influences de l’italien et du sicilien notamment. L’usage de l’anaphore par Antoine Cassar renforce la musicalité de la langue et du poème entier.
Dans son Passeport traduit en plusieurs langues, il s’adresse au migrant en lui proposant autre chose que ce qu’il connaît ou va connaître en chemin, et par là-même il décrit (et dénonce) les conditions de vie, de voyage et d’accueil de ces populations dans nombre de pays.
Dans une langue tantôt imagée tantôt très réaliste -parfois crue- il abolit les frontières et nous fait entrer dans la peau de ce migrant. Aux formalités, réglements, violences, entraves, il oppose la chaleur humaine et la main tendue.
Son Passeport poétique célèbre la fraternité et s’adresse à la part d’humanité que chacun porte en lui, quelle que soit son origine ou sa destination. Il interpelle sur des thèmes universels : la méfiance, la peur, le rejet… Et sur leurs corollaires, la souffrance et le déracinement.
“A toi, ami ou amie, de coeur et de peau,
qui m’a pris dans tes deux mains, fermes et caressantes, et m’as accueilli le visage chaleureux et ouvert,
elles sont à toi, ces histoires de sables mouvants, de dunes qui s’approchent, leurs cheveux lâchés dans le vent,
histoires de mers agitées, les vagues comme des paupières qui tombent et se referment avec force, dans un clignement sans fin […]
tu peux entrer et sortir sans crainte, personne ne te retient,
personne ne te double dans la queue, ni te renvoie en arrière, il n’y a pas d’attente,
personne ne te dit Ihre Papiere bitte, déclenchant la tachycardie avec la pâleur de son index […]
il est à toi
ce passeport
pour tous les peuples, et pour tous les paysages,
amène-le où tu veux, tu n’as pas besoin de visa ni de tampons,
tu peux partir et rester autant que tu veux, il ne se périme pas […]”
http://alexandra.oury.over-blog.com/article-passeport-au-festival-migrant-scene-88561290.html